Interview du Dr. Ndjian-None Kalki

 

Le Dr. KALKI est à Gauche de la photo, sous le coude du Dr GLORION.

Dans le cadre d’un partenariat entre le CHU de Saint-Quentin (dans le nord de la France) et la faculté de médecine d’N’Djaména (au Tchad), plusieurs internes tchadiens en chirurgie général sont accueillis chaque année pour un an, au CHU de Saint-Quentin, sous la supervision du Dr. Zakaria Laya. Quatre nouveaux internes sont arrivés mi-juin, pour prendre la place du cru 2018-2019 reparti au Tchad à la même période. Parmi les internes qui repartaient en juin, le Dr. Ndjian-noné Kalki a eu la gentillesse de nous accorder une interview la veille de son départ. L’objectif de cet entretien était de retranscrire l’expérience qu’il a vécu en France et de retracer son parcours.

Présentation du Dr. Ndjian-noné Kalki

Le Dr. Ndjian-noné Kalki vient de Lagon dans la région du Mayo-kebbi ouest, proche de la frontière avec le Cameroun.  Il était en quatrième année du diplôme d’étude spécialisée en chirurgie générale pour un cycle de cinq ans pour devenir chirurgien généraliste (en tout douze ans d’études), lorsqu’une opportunité pour venir étudier en France s’est présentée. Grâce à l’accord négocier entre l’hôpital de Saint Quentin et la Faculté des Sciences de la Santé Humaine de l’université d’N’Djaména (Tchad), il a eu l’occasion de venir étudier en France pendant un an. Il est arrivé avec quatre autres internes le 17 Mai 2018. Il est reparti le 30 juin 2019 au Tchad. Les autres internes sont : Ahmat Malgnan Okim, Allatombaye Bertin, Mousssa Kalli Maidé, Aboulghassim Oumar.

Comment-a-il entendu parler d’Handicap Santé et des missions organisées par l’association à Moundou ?

J’étais en stage à l’hôpital de la Renaissance à N’Djaména, au service de traumato-orthopédique du Dr. Siniki lorsque j’ai entendu parler des missions chirurgicales de Handicap Santé. Le Professeur Choua, vice-Recteur de la Faculté des Sciences de la Santé Humaine de l’université d’N’Djaména, m’a demandé de remplir un dossier pour participer aux missions chirurgicales. 

A combien de missions avez-vous participé ?

En tout, j’ai participé à trois missions chirurgicales. Ma première mission était la mission n° 76. Elle s’est déroulée du dimanche 13 au jeudi 24 novembre 2016. Les Dr. Laya et Dr. Dorio étaient les chirurgiens de cette mission.

Que retenir de ces missions ?

En participant à ces missions, j’ai appris de nombreuses choses, notamment, les indications opératoires, les manières d’opérer des différents chirurgiens. De plus, j’ai assisté à des interventions chirurgicales portant sur des pathologies telles que les séquelles de polio qui ne sont pas enseignées et ne font pas non plus partie des activités de routine. J’ai été marqué par les opérations de recouvrements de perte de substance cutanée chez des patients présentant des grosses lésions. Ceci s’est avéré très intéressant car cela illustre bien des situations auxquelles je suis confronté au quotidien. 

Les interventions des chirurgiens Dr. Laya, Dr. Dorio, Dr. Knipper et Dr. Glorion ont été enrichissantes (pour ne citer que ceux-là sans oublier les autres membres de l’équipe dont leur participation demeure capitale).

Avez-vous été marqué par une pathologie ou un patient en particulier pendant ses missions ?

Chaque patient est particulier. Je me suis aperçu pendant les missions que certains patients n’avaient pas été vus par des médecins et se présentaient au centre des handicapés de la Maison Notre Dame de Paix avec des lésions majeures. De surcroît, se sont parfois des lésions évitables.  Comme par exemple, une luxation de hanche non prise en charge, qui a évolué vers une nécrose aseptique de la tête fémorale.

Que préconisaient les chirurgiens face à de telles situations ?

Face à cette situation, les chirurgiens ont peu de choix, surtout lorsqu’il s’agit des patients démunis, n’ayant pas de possibilité de payer des prothèses. Des situations comme celle-ci sont normalement évitables, mais souvent par ignorance et ou à cause d’un système de santé non performant, les chirurgiens sont obligés de faire des résections têtes-col, dans le but de soulager la souffrance physique. Je me pose cette question : comment peuvent-il survivre avec cette lésion, ce handicap depuis autant de temps ?

Pendant les missions avez-vous eu l’occasion d’assister à un évènement marquant ?

A ma première mission, j’ai assisté à une fête en l’honneur du Dr. Dorio qui réalisait sa vingtième mission au Tchad.  A cette occasion j’ai été ému de voir des enfants opérés de ces malformation, si reconnaissants du travail réalisé par le Dr Dorio. Finalement nous retiendrons que vivre c’est aussi se sentir utile, de surcroît pour un médecin, prodiguer des soins aux personnes les plus pauvres, …  C’est la meilleure des récompenses. Il faut donc se prévaloir de donner et rendre service à des personnes handicapées.

Participerez-vous à une autre mission, si on vous le reproposait ?

 Si je pouvais revenir, je reparticiperais volontiers aux missions organisées par Handicap Santé, que ce soit une mission d’orthopédie ou une mission de plastie.

Quels sont les services dans lesquels vous avez été formé lorsque vous étiez interne en France ?

J’ai suivi une formation dans trois services de chirurgie en France : traumato orthopédie, chirurgie digestive et viscérale et enfin chirurgie vasculaire. En chirurgie générale toutes les spécialités sont étudiées, car je dois être en mesure de traiter tous les problèmes. 

Quels sont les services que vous avez préférés ?

Tous les services sont intéressants. Mais, les deux services que j’ai particulièrement appréciés ont été la Traumato-orthopédie membre inférieur et traumato-orthopédie membre supérieur (SOS main).

Quelle intervention chirurgicale préférez-vous ?

Toutes les interventions de la chirurgie de la main m’intéressent notamment la prise en charge des plaies de la main. Au Tchad les plaies de main sont banalisées, occasionnant des séquelles qui restent à vie. 

Avez-vous trouvé des différences d’interventions entre la chirurgie française et la chirurgie tchadienne ?

En France, les interventions sont beaucoup plus orientées vers la chirurgie fonctionnelle contrairement au Tchad où le problème est vital.

Quels sont les atouts d’une formation complémentaire en France et d’une participation aux missions humanitaires ?

Aux regards des attentes immenses au Tchad, il faut être bien formé car il y a peu de chirurgien et les besoins sont énormes. Les quelques rares chirurgiens sont à la capitale alors que tout le pays doit bénéficier d’une couverture sanitaire. Le but ultime d’une telle mission humanitaire, serait de songer à s’assurer de la relève car rien n’est éternel dans ce monde. Des générations passent, les réflexions diffèrent mais le problème de santé de la population demeure une constante. Quel sera le devenir de ces handicapés si un jour il n’y a plus de missions humanitaires ? La question de relève demeure une pierre angulaire et passe immanquablement par la formation et par le compagnonnage. Il faut être un bon chirurgien, bien se former pour être bon et efficace. La tâche est grande car le Tchad est vaste. Le problème est partout le même : de Moundou à Abéché, en passant par Sarh, Bongor ou Pala.  Implanter des Centres de Santé répondant aux normes dans les différentes régions du pays peut contribuer à améliorer l’état de santé de la population. Nous soutiendrons cette action si les possibilités nous le permettent.

Avez-vous pris le temps de visité la France au cours de l’année écoulée ?

Malheureusement, je n’ai pas eu le temps de visiter la France, compte tenu de la charge de travail. De plus, au départ, nous n’étions pas payés. Le Dr. Laya a négocié des weekends de garde en échange d’un salaire. Nous avons rendu visites à certains de nos compatriotes tchadiens. 

Comment communiquiez-vous avec votre famille ?

Il était difficile de communiquer avec ma famille. J’utilisais WhatsApp ou des appels téléphoniques avec souscriptions de forfaits appels internationaux.   

Comment vous sentez-vous la veille du départ ?

Je suis content de rentrer au Tchad après un an d’absence et de revoir ma famille. Je vais avoir des vacances d’un mois théoriquement.  

Que ferez-vous à votre retour au Tchad ?

A mon retour au Tchad, je souhaite me rendre dans mon village y passer mes vacances avant de reprendre les stages. La répartition des stages n’étant pas encore établit, je verrais très prochainement avec le coordinateur. Un stage en gynéco obstétrique de six mois est néanmoins prévu pendant la formation. Je vais peut-être effectuer ce stage à l’hôpital de la Mère et de l’Enfant à N’Djaména. 

Quelques mots pour l’association Handicap Santé ?

Je souhaite à l’association Handicap Santé « Bon vent et beaucoup de courage ! », car le chemin est pierreux et l’espoir des personnes en situation de handicap repose sur cette dernière. Je souhaite que l’association soit pérenne.  J’aimerais qu’Handicap Santé soit acteur du programme de formation de la Faculté des Sciences de la Santé Humaine de l’université d’N’Djaména. ;